REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
Numéro d’inscription au répertoire général : 13/ 01069.
Jugement Au fond, origine Conseil de prud’hommes-Formation de départage de LAVAL, décision attaquée en date du 18 Mars 2013, enregistrée sous le no 11/ 110
ARRÊT DU 23 Février 2016
APPELANTE :
Madame Régine X…
…
53810 CHANGE LES LAVAL
représentée par Maître Charles-Emmanuel COME, de la SELARL ZOCCHETO-RICHEFOU & ASSOCIES, avocat au barreau de LAVAL
INTIMÉS :
Maître Isabelle B… mandataire liquidateur de la société AXEO LAVAL devenue ADOMEO LAVAL
…
…
35044 RENNES CEDEX
Madame Sandra Y…
…
53000 LAVAL
Monsieur Vincent Z…
…
53000 LAVAL
non-comparants, ni représentés
Le CGEA DE RENNES
Immeuble Le Magister
4 cours Raphaël Binet
35069 RENNES CEDEX
représenté par Maître Virginie RONDEAU, substituant Maître Emmanuel GILET, de la SCP DELAFOND-LECHARTIER-GILET, avocats au barreau de LAVAL
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Novembre 2015 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT :
prononcé le 23 Février 2016, réputé contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE,
La SARL Axeo Laval, dont M. Z… et Mme Y… étaient les cogérants, avait pour objet social les services d’aide à la personne (ménage, repassage, jardinage, garde d’enfants) à Laval.
Au 31 décembre 2009, l’effectif était de 6 salariés tel que cela résulte de l’attestation Pôle Emploi.
Le 1er juillet 2007, Mme Régine X… a été recrutée par la société ” Axeo Laval ” en qualité d’auxiliaire de vie dans le cadre d’un contrat de travail ” nouvelle embauche. ” Elle avait pour mission d’assister les clients particuliers, de répondre à leurs attentes exprimées dans le département ” ménage, senior et nounou ” et était chargée du suivi ” qualité des clients ” et du planning des salariés.
Elle percevait une rémunération brute mensuelle de 1 510, 12 euros pour 35 heures par semaine.
Le 11 mai 2010, M. Z… et Mme Y… ont cédé l’intégralité de leurs parts sociales à M. A…, devenu alors seul associé et gérant.
Mme X… a été placée en arrêt maladie pour ” harcèlement au travail et syndrome anxio-dépressif réactionnel ” le 9 novembre 2010 jusqu’au 16 novembre 2010, prolongé au 26 novembre 2010 et au 12 décembre 2010.
A la suite de la visite de reprise du 13 décembre 2010, le médecin du travail l’a déclarée inapte à son poste, ce qu’il a confirmé dans un avis définitif le 28 décembre 2010 ” Inapte au poste d’auxiliaire de vie et à tous postes de l’entreprise “.
Elle a bénéficié d’un nouvel arrêt de travail le 14 décembre 2010, reconduit régulièrement.
Le 10 janvier 2011, la société Axeo Laval a avisé la salariée qu’elle avait étudié avec le médecin du travail les possibilités d’aménagement de poste ou de reclassement existant au sein de l’entreprise et que malheureusement le médecin avait constaté l’absence de poste compatible avec cet état de santé. Elle a constaté ainsi qu’aucun poste adapté à son état de santé n’était envisageable.
Le 12 janvier 2011, son employeur a convoqué Mme X… à un entretien préalable fixé au 21 janvier 2011.
Le 25 janvier 2011, il lui a notifié son licenciement pour inaptitude en ces termes :
” A la suite de notre entretien du 21 janvier 2011, je vous informe que j’ai décidé de vous licencier en raison de votre inaptitude constatée par le médecin du travail et à la suite de laquelle votre reclassement dans l’entreprise s’est avéré impossible.
Votre préavis d’une durée de deux mois débutera à la date de présentation de cette lettre.
Comme indiqué au cours de l’entretien, votre état de santé ne vous permet pas de travailler pendant une durée couvrant celle du préavis qui, en conséquence, ne donnera pas lieu à une indemnité compensatrice de préavis. (..) M. A… Dominique Gérant “.
Contestant son licenciement, Mme Régine X… a saisi le conseil de prud’hommes de Laval par requête reçue le 19 mai 2011 afin de voir déclarer nulle la clause de non concurrence, obtenir le paiement de la contrepartie financière de cette clause, d’un rappel de salaires d’heures supplémentaires, d’une indemnité pour travail dissimulé, des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de reclassement et de l’indemnité de préavis.
Par jugement du tribunal de commerce de Laval du 17 octobre 2012, la société Axéo Laval, devenue depuis Adomeo Laval a été placée en liquidation judiciaire avec désignation de Me B… en qualité de mandataire liquidateur.
Par jugement du 18 mars 2013, le conseil de prud’hommes de Laval en formation de départage, a :
– condamné la société Axeo Laval devenue Adomeo Laval à payer à Mme X… :
– la somme de 2 502, 60 ¿ nets au titre de l’indemnité financière liée à la clause de non concurrence,
– la somme de 11 890, 98 ¿ au titre des heures supplémentaires et 1 189, 89 ¿ pour les congés payés y afférents, durant la période 2007-2010,
– la somme de 1 500 ¿ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– décerné acte à la société Axeo Laval devenue Adomeo Laval de la remise à la salariée des bulletins de paie correspondants,
– condamné M. Z… et Mme Y… à garantir la société Axeo Laval devenue Adomeo Laval à hauteur de la somme globale de 8 483, 34 ¿, au titre des heures supplémentaires dues avant le 30 septembre 2009,
– dit que le CGEA de l’AGS de Rennes devra garantir la société Axeo Laval devenue Adomeo Laval à hauteur de la somme globale de 4 605, 31 ¿, au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence,
– condamné la société Axeo Laval devenue Adomeo Laval à rectifier l’attestation Pôle Emploi dans le délai d’un mois à compter du prononcé de la présente décision, et ce sous astreinte de 50 ¿ par jour de retard,
– rejeté les autres demandes,
– déclaré le présent jugement opposable à Maître Isabelle B…, mandataire liquidateur de la société Axeo Laval devenue Adomeo Laval et au CGEA de l’AGS de Rennes,
– condamné l’employeur aux dépens.
Les parties ont reçu notification de ce jugement le 20 mars 2013.
Mme X… a régulièrement interjeté appel par courrier recommandé de son conseil posté le 17 avril 2013.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES,
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 23 novembre 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l’audience, aux termes desquelles Mme X… demande à la cour de :
– condamner la société Adomeo Laval à lui payer les sommes suivantes :
-10 695. 18 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence,
-23 983. 32 euros au titre du rappel de salaires d’heures supplémentaires,
-2 398. 33 euros pour les congés payés y afférents,
-10 695. 18 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,
-21 390. 36 euros au titre de l’indemnité pour manquement à l’obligation de reclassement,
-3 565. 06 euros au titre de l’indemnité de préavis et 356. 50 euros pour les congés payés y afférents,
-3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,
– condamner la société Adomeo Laval à rectifier l’attestation Pôle Emploi sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
– fixer ses créances à l’encontre du CGEA de Rennes.
Subsidiairement, Mme X… demande la nullité de son licenciement pour harcèlement moral de la part de son employeur qui a violé son obligation de sécurité et de résultat.
Mme X… fait valoir en substance que :
– sur la clause de non concurrence :
– sur la demande, nouvelle en cause d’appel, de nullité de la clause :
– la clause de non concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, qu’elle est limitée dans le temps et dans l’espace et qu’elle prévoit une contrepartie financière non dérisoire,
– les conditions cumulatives de la validité de la clause ne sont pas remplies alors que l’entreprise ne justifie pas son intérêt légitime de se protéger dans le cadre d’un contrat de nouvelle embauche par nature précaire, que la spécificité de l’emploi n’est pas prise en compte au regard des fonctions d’auxiliaire de vie, que la durée et le secteur géographique (30 km) sont manifestement déséquilibrés au détriment de la salariée, que la contrepartie financière de 15 % est basse (208. 55 euros net par mois),
– la clause doit être déclarée nulle comme illicite ;
– sur les dommages et intérêts :
– cette clause illicite a causé nécessairement un préjudice à Mme X… qui s’est privée d’une chance de travailler dans le secteur ; elle a retrouvé difficilement un emploi stable en août 2013,
– l’indemnisation doit être calculée sur la base de 50 % de son salaire sur la période de 12 mois, ce qui représente 10 695. 18 euros ;
– sur le rappel d’heures supplémentaires :
– la salariée a travaillé au-delà des 35 heures hebdomadaires en raison de l’absence du premier gérant, M. Z…, et du désintérêt du second gérant M. A…,
– elle accomplissait, en sus de sa tâche d’auxiliaire de vie, entre 10 et 15 heures par semaine, des fonctions administratives au siège social : la durée de travail excédait 10 heures par jour depuis le 1er février 2007 jusqu’à son licenciement pour inaptitude consécutive à une surcharge de travail,
– les courriels adressés par la salariée révèlent de l’amplitude journalière des heures de travail,
– elle a chiffré le rappel de salaires à la somme de 23 983. 32 euros sur la base de 45 heures de travail pour la période de son contrat de travail 2007/ 2010,
– sur le travail dissimulé :
– l’employeur avait une parfaite connaissance des horaires de travail accomplis par la salariée qui procédait à l’ouverture et la fermeture des bureaux, en sus de son activité d’auxiliaire de vie,
– le fait de ne pas déclarer sciemment les heures supplémentaires effectuées caractérise l’élément intentionnel du travail dissimulé par l’employeur qui est redevable de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L 8223-1 du code du travail.
– sur les demandes indemnitaires :
– la société Axeo Laval n’a pas rempli son obligation de sécurité de résultat à l’égard de la salariée dont la dépression nerveuse est en lien direct avec des faits de harcèlement de la part du gérant,
– l’employeur n’a pas davantage satisfait à sa recherche de reclassement même en cas d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise constatée par le médecin du travail,
– il ne rapporte pas la preuve qu’il a sollicité par écrit les préconisations du médecin du travail pour un reclassement,
– le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse et doit être déclaré abusif,
– les dommages et intérêts correspondent à une indemnité égale à 12 mois de salaire soit 21 390. 36 euros,
– subsidiairement, le licenciement doit être déclaré nul pour des faits de harcèlement imputables à l’employeur ;
– sur l’indemnité de préavis :
– faute d’avoir provoqué les propositions écrites de reclassement, l’employeur doit verser l’indemnité de préavis dû au salarié licencié abusivement même si celui-ci n’est pas en état de l’effectuer.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 20 novembre 2015 régulièrement communiquées et reprises oralement à l’audience selon lesquelles l’Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des salariés intervenant par l’UNEDIC-CGEA de Rennes demande à la cour de :
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– subsidiairement, réduire le montant des sommes réclamées au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence, au titre des heures supplémentaires et au titre du manquement à l’obligation de reclassement,
– débouter Mme X… de sa demande au titre du travail dissimulé et de sa demande de nullité du licenciement,
– mentionner de manière précise les heures supplémentaires dues avant le 30 septembre 2009, date à laquelle la dette mise à la charge de la SARL Adomeo devra être garantie par les cédants, M. Z… et Mme Y…,
– rappeler qu’aucune condamnation ne peut être prononcée à l’encontre de l’AGS-CGEA tenue à paiement dans les conditions et les limites fixées par les articles L 3253-8, L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.
Il soutient essentiellement que :
– sur la clause de non concurrence
-cette clause est parfaitement valide en ce que :
– l’employeur avait un intérêt à insérer une telle clause pour préserver ses intérêts afin d’éviter en cas de départ de la salariée, occupant des fonctions techniques et administratives et de gestion dans une petite structure, que la clientèle ne la suive dans le cadre d’une société concurrente ou à son propre compte,
– la distance de 30 km n’est pas excessive et n’interdit pas sa réinstallation,
– la contrepartie financière de 15 % était adaptée ;
– si cette clause est déclarée nulle, le montant des dommages et intérêts devra être réduit, la salariée ne justifiant pas des revenus perçus durant la période de formation et ayant fait le choix d’une reconversion,
– la garantie de l’AGS n’est pas acquise pour une telle créance ne résultant pas de l’exécution du contrat de travail mais d’une action ne responsabilité à l’encontre de l’employeur,
– sur les heures supplémentaires :
– l’employeur n’a pas demandé à Mme X… de faire des heures supplémentaires,
– il lui avait confié des tâches administratives en complément de son activité d’auxiliaire de vie qui ne l’occupait que 10 à 15 heures par semaine selon les propres déclarations de la salariée,
– elle n’était pas la seule à assurer la permanence de l’accueil,
– l’appelante avait accès de son domicile aux logiciels de l’entreprise lui permettant d’envoyer des courriels à partir de son adresse professionnelle,
– le fait qu’elle soit présente parfois à des heures tardives sur son lieu de travail n’est pas suffisamment précis sur les jours, semaines et mois concernés,
– elle généralise la durée de travail sans en rapporter la preuve des horaires effectués ;
– sur le travail dissimulé :
– la salariée n’a jamais formulé la moindre demande d’heures supplémentaires,
– l’employeur souvent absent des locaux administratifs n’était pas en mesure, faute de réclamation, de déterminer les éventuels dépassements d’horaires,
– faute de démontrer l’intention de l’employeur de dissimuler les heures supplémentaires, la salariée n’est pas fondée à réclamer l’indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé ;
– sur l’obligation de reclassement :
– le médecin du travail s’est rendu à deux reprises dans les locaux de l’entreprise afin d’apprécier au plus juste l’aptitude de la salariée à reprendre son poste de travail et a étudié les possibilités de reclassement, après entretien avec l’employeur,
– la société Adomeo Laval dont la taille est modeste, ne peut donc pas se voir reprocher un manquement à son obligation de reclassement,
– subsidiairement, l’indemnisation doit être réduite en l’absence de justificatifs sur le préjudice réellement subi par la salariée,
– sur les limites de la garantie de l’AGS :
– la garantie de l’AGS ne peut jouer que pour les demandes formulées à l’encontre de la société Axeo Laval devenue Adomeo Laval, qui a fait l’objet de la liquidation judiciaire prononcée le 17 octobre 2012,
– aucune garantie n’est due pour les sommes dues avant le 30 septembre 2009, date à laquelle toute dette devrait être garantie par les cédants des parts sociales, M. Z… et Mme Y….
Me B… mandataire liquidateur de la société Axeo Laval devenue Adomeo Laval régulièrement convoquée n’était ni présente ni représentée lors de l’audience.
M. Z… et Mme Y… régulièrement convoqués n’étaient ni présents ni représentés en cause d’appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
Sur la clause de non concurrence,
Mme X… soulève, en appel, la nullité de la clause de non concurrence insérée dans son contrat de travail.
En application du principe fondamental du libre exercice d’une activité professionnelle et des dispositions de l’article L1121-1 du code du travail, une clause de non concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes des intérêts de l’entreprise, si elle est limitée dans le temps et dans l’espace, si elle tient compte des spécificités de l’emploi de la salariée et comporte l’obligation pour l’employeur de verser à la salariée une contrepartie financière sérieuse, ces conditions étant cumulatives.
A défaut de contrepartie financière, la clause stipulée est illicite et la salariée doit être indemnisée du préjudice que le respect de la clause illicite lui a nécessairement causé.
Il ne fait pas débat que Mme X… n’a pas été libérée de cette clause au moment de la rupture de son contrat de travail ; que l’employeur n’a pas davantage versé la contrepartie prévue.
La clause de non concurrence s’applique à la date de la notification du licenciement le 25 janvier 2011 et non à l’expiration du préavis non effectué.
La clause de non concurrence insérée dans le contrat interdit à la salariée ” en cas de cessation du contrat, quelle qu’en soit la cause, d’entrer au service d’une entreprise ou association vendant des services pouvant concurrencer ceux de la société Axeo Laval ” durant une période limitée à un an et couvrant le territoire dans un périmètre de 30 km autour de Laval.
Elle prévoit en contrepartie de cette obligation, le versement par l’employeur au profit de Mme X… durant 12 mois d’une indemnité forfaitaire de 15 % de la moyenne mensuelle du salaire brut perçu (1 782 euros), ce qui représente la somme de 267 euros brut par mois.
Cette indemnité forfaitaire mensuelle est manifestement dérisoire au regard de la généralité du champ d’application des activités interdites correspondant à la ” vente de services pouvant concurrencer ceux de l’employeur “. Cette clause empêchait de fait la salariée d’occuper un nouvel emploi correspondant à ses possibilités professionnelles, l’interdiction concernant le bassin d’emplois le plus actif du département (agglomération de Laval). Cette clause est en conséquence illicite.
Le mandataire liquidateur n’a pas soutenu que la salariée n’avait pas respecté la clause de non concurrence durant la période de 12 mois.
Le respect par l’intéressée de la clause illicite lui a nécessairement cause un préjudice. Elle justifie avoir perçu des indemnités chômage jusqu’en septembre 2011 et avoir suivi une formation qualifiante d’aide médico-psychologique jusqu’en mai 2012.
Dans ces conditions, la cour dispose des éléments suffisants lui permettant de fixer à la somme de 6 000 euros les dommages et intérêts, par voie d’infirmation du jugement.
Sur les heures supplémentaires,
Si aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail, la preuve des heures effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient toutefois au salarié, en cas de litige, d’étayer sa demande en paiement d’heures supplémentaires par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur d’y répondre en fournissant ses propres éléments.
Mme X… soutient qu’elle a travaillé 45 heures par semaine, soit dix heures supplémentaires hebdomadaires, durant l’exécution de son contrat de travail (juillet 2007- novembre 2010) ; qu’en plus de son travail à domicile, elle accomplissait des tâches administratives multiples : élaboration des congés payés, relance des clients, signature des devis, contrôle de la balance chaque mois et lors de la clôture des comptes fin septembre, conventionnement auprès des caisses, affiliation auprès des assistantes, référencement auprès des organismes (SERENA), contact avec Pôle Emploi, distribution de plaquettes publicitaires.
Pour étayer ses prétentions, la salariée produit :
– un tableau de calcul du rappel des heures supplémentaires dues entre juillet 2007 et novembre 2010, sur la base d’une moyenne de 45 heures de travail par semaine, soit 10 heures supplémentaires hebdomadaires,
– des courriels échangés avec son employeur, des clients et des interlocuteurs habituels permettant de constater qu’elle travaillait de manière habituelle le soir jusqu’à 20 heures 30, voire 21 heures, et le midi jusqu’à 13 heures,
– des attestations de plusieurs salariés de la société Axeo (Mme C…, I…, J…, K…) indiquant que Mme X… était présente à l’agence le matin de bonne heure (8 heures 30), à des heures tardives, à 13 heures, et le soir vers 19 heures 30- 20heures 30,
– des attestations de voisins et de proches confirmant que la salariée quittait l’agence le soir vers 20 heures 30 (M. D…, Mme E…, M. F…),
– la liste de ses nombreuses tâches, en plus de son travail à domicile des personnes (ménage, repassage, garde d’enfants) : la gestion des plannings du personnel (environ 18 salariés), la préparation des devis, le suivi administratif (contrats de travail et avenants), le suivi des congés, la relance des clients, le contrôle de la balance chaque mois et lors de la clôture des comptes.
L’employeur conteste les allégations de la salariée en s’appuyant sur :
– le planning de la salariée, sur la période janvier 2009 à novembre 2010, sur la base de 151. 67 heures par mois selon lequel elle était affectée de manière ponctuelle à des tâches d’auxiliaire de vie (4 heures à 69 heures par mois) et pour le reste de son temps de travail à des tâches administratives.
– un message de M. G… responsable du réseau Axeo Laval selon lequel ” le temps consacré à la mise en place et le suivi du planning est une tâche quasi-automatisée par le système de gestion Colibri, le rôle de l’assistante consiste plus particulièrement à contrôler l’état de ce planning afin d’éviter les éventuels litiges ” avec les salariés et les clients,
– une attestation de M. H…, client qui a reçu le 4 novembre 2010 Mme X… pour un devis de ménage et a été ” surpris que celle-ci tienne absolument à lui laisser son numéro de portable personnel ” se présentant comme ” la seule personne compétente à gérer et suivre les demandes ” alors qu’elle ne lui a jamais transmis le moindre devis par la suite.
L’employeur justifie par ailleurs, sans être contredit sur ce point, du fait que Mme X… disposait du ” logiciel Colibri accessible sur Internet depuis n’importe quel ordinateur en mode sécurisé “, ce qui est confirmé par son fournisseur informatique (pièce no13) de sorte qu’elle disposait à son domicile d’un accès aux logiciels de l’entreprise et à sa messagerie professionnelle. Il en est de même pour le téléphone portable professionnel mis à sa disposition.
A supposer même que Mme X… se trouvait dans les locaux de l’agence lors de l’envoi de ses courriels, les heures d’envoi ne permettent pas d’établir une amplitude horaire de 9 heures de travail chaque jour.
En effet, les réponses de la salariée par courriels sont concentrées sur des plages horaires précises : 12h/ 13h ou 18h/ 21h alors que les messages professionnels étaient reçus par elle en fin de matinée ou début d’après-midi, comme en témoignent :
– le 15 juillet 2010, la réponse de Mme X… à 20h32 à un mail transmis à 16h47,
– le 26 mai 2010, réponse à 19h33 à un mail envoyé à 18h52
– le 17 mai 2010, réponse à 20h23 à un mail reçu à 13h51
– le 12 mai 2010, réponse à 20h54 à un mail reçu à 11h59
– le 28 avril 2010, réponse à 18h32 à un mail reçu à 17h
– le 13 avril 2010, réponse à 19h16 à un mail reçu à 10h04,
– le 12 avril 2010 réponse à 19h56 à un mail reçu à 17h15
– le 27 novembre 2009, réponse à 20h28 à un mail reçu à 19h57,
– le 16 octobre 2009, réponse à 19h28 à un mail reçu à 17h29
– le 12 octobre 2009, réponse à 19h40 à un mail reçu à 15h16
– le 3 juin 2009, réponse à 20h27 à un mail reçu à 14h48
– le 18 mai 2009, réponse à 12h37 à un mail transmis à 11h17.
Contrairement à l’analyse de la salariée, ces pièces tendent à démontrer qu’elle n’assurait pas les tâches administratives relevant de la permanence au siège social selon le créneau horaire 9h- 12h et 13h- 18h étant rappelé que ses interventions extérieures représentaient une partie mineure de son activité (de 1 heure à 15 heures par semaine).
Aucun témoignage ne confirme qu’elle tenait effectivement le bureau d’accueil de l’agence selon les horaires d’ouverture (8 heures par jour), les témoins évoquant seulement des horaires matinaux (8h30) et des heures tardives (20h30- 21h).
Contrairement à l’analyse des premiers juges, le document intitulé ” Engagement qualité ” signé le 27 avril 2007 entre Mme X… et son employeur ne comporte aucun engagement contractuel de la salariée à ” ouvrir le bureau d’accueil de 6h à 12h et de 13h à 18h du lundi au vendredi ” sur la base de 40 heures par semaine. En effet, Mme X… a signé cet engagement en qualité d’intervenante dans le cadre de son activité accessoire d’auxiliaire de vie intervenant au domicile des clients. Ce document est dépourvu de tout intérêt sur le décompte du temps de travail de la salariée.
Enfin, le tableau de calcul de Mme X… au titre de ses heures supplémentaires est établi sur une base forfaitaire de 45 heures de travail par semaine sans aucunement détailler le décompte, ni tenir compte de jours fériés ou de la totalité des congés payés.
Les éléments recueillis ne sont pas suffisamment précis quant aux horaires réalisés par Mme X… qui se borne à calculer de manière forfaitaire une amplitude journalière de 9 heures de travail, sans préciser ses horaires même atypiques.
Il résulte par ailleurs d’un courriel du 11 décembre 2009 adressé à M. Z…, ancien gérant, que Mme X… demandait à ” récupérer toutes les heures supplémentaires faites à compter de ce jour car elle n’était récompensée ni reconnue pour les efforts faits jusqu’à présent “. Elle est taisante sur les ” récupérations ” des heures supplémentaires qu’elle aurait pu accomplir à partir du mois de décembre 2009.
Il s’ensuit que la salariée ne fournit pas des éléments de fait suffisants de nature à étayer sa demande au titre des heures supplémentaires.
Sa demande doit être rejetée par voie d’infirmation du jugement.
Sur le travail dissimulé,
L’article L 8221-5 du code du travail dispose :
” Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
2o- de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L3243-2 relatif à la délivrance d’un bulletin de paie ou de mentionner un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli. “
Selon l’article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 du même code a droit à une indemnité égale à 6 mois de salaire.
Il n’est pas établi que l’employeur a dissimulé de manière intentionnelle une partie du temps de travail de Mme X… par l’inscription sur les bulletins de salaire d’un nombre d’heures inférieur à celui réellement effectué.
La demande de l’appelante sera rejetée par voie de confirmation du jugement.
Sur le licenciement,
Mme X… soulève à titre subsidiaire la nullité de son licenciement pour harcèlement moral.
Cette demande sera examinée préalablement avant d’étudier un éventuel manquement de l’employeur à son obligation de recherche de reclassement d’un salarié déclaré inapte.
Selon l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, la salariée soutient que son syndrome dépressif a été causé par des faits de harcèlement au travail imputables au gérant de la société Axeo Laval M. A…
Pour étayer sa demande, elle produit exclusivement :
– des arrêts de travail délivrés par son médecin traitant du 9 novembre 2010 au 12 décembre 2010 pour ” harcèlement au travail, syndrome anxio-dépressif réactionnel “,
– l’arrêt de travail délivré le 14 décembre 2010 par le médecin psychiatre,
– des arrêts de travail délivrés par son médecin traitant du 29 décembre 2010 au 27 janvier 2011, puis du 28 janvier 2011 au 26 mars 2011 ” dans l’attente de licenciement “,
– un certificat du médecin psychiatre du 18 novembre 2010 (pièce 14) indiquant soigner l’intéressée pour un syndrome anxio-dépressif réactionnel et qu’il ” lui semble qu’il faille procéder à l’inaptitude à tout poste dans l’entreprise AXEO compte tenu de ce que Mme X… vit dans l’entreprise “,
– les avis du médecin du travail en date des 13 et 28 décembre 2010 au terme desquels elle a été déclarée ” inapte au poste d’auxiliaire de vie et à tout poste dans l’entreprise “.
Toutefois, Mme X… ne verse aux débats strictement aucune pièce de nature à établir la matérialité de faits précis et concordants pouvant laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral commis à son encontre.
Si la salariée justifie, au travers des pièces médicales, de l’existence d’un syndrome anxio-dépressif, rien ne permet de le relier à une dégradation de ses conditions de travail, des faits imputables à son employeur caractérisant un acharnement, des pressions et à une situation de harcèlement moral.
Dans ces conditions, la demande de nullité du licenciement pour harcèlement sera rejetée par voie de confirmation du jugement.
L’avis d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise délivré par le médecin du travail ne dispense pas l’employeur d’établir qu’il s’est trouvé dans l’impossibilité de reclasser le salarié au sein de l’entreprise et le cas échéant au sein du groupe auquel elle appartient, au besoin par des mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail.
Mme X… reproche à la société Axeo Laval de ne pas avoir loyalement recherché des possibilités de reclassement en interne faute d’avoir interrogé par écrit le médecin du travail à la suite du premier avis d’inaptitude du 13 décembre 2010.
Il n’est pas soutenu par la salariée que la société Axeo Laval, dont l’effectif de 6 salariés au 31 décembre 2009 correspond à des postes d’auxiliaires de vie, d’employés de maison et de jardiniers, fasse partie d’un groupe d’entreprises.
L’employeur justifie avoir consulté le médecin du travail sur les possibilités de reclassement ce qui a conduit ce dernier à se déplacer les 3 décembre et 17 décembre 2010 dans l’entreprise en vue de l’étude d’un éventuel poste aménage.
Compte tenu des entretiens du médecin du travail avec l’employeur, Mme X… ne peut pas reprocher à la société Axeo Laval de ne pas avoir envisagé une adaptation de son poste et/ ou un aménagement des horaires sur un poste qu’elle ne pouvait plus occuper.
Au regard de la structure de ses effectifs limités, il apparaît qu’aucun reclassement de Mme X… n’était possible au sein de la société Axeo Laval.
Dans ces conditions, la salariée est mal fondée à se prévaloir du manquement de l’employeur à l’obligation loyale de recherche d’un reclassement.
La demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera rejetée par voie de confirmation du jugement.
Sur l’indemnité de préavis,
La salariée ne peut pas prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice à un préavis qu’elle ne pouvait pas exécuter du fait de son état de santé lequel a été jugé comme n’étant pas imputable à l’employeur.
La salariée sera déboutée de sa demande d’indemnité de préavis, par voie de confirmation du jugement.
Sur l’appel en garantie par la société Axeo Laval de M. Z… et de Mme Y…
Si les parties intéressées n’ont pas critiqué en cause d’appel les dispositions du jugement relatives à l’appel en garantie de M. Z… et de Mme Y… par la société Axeo Laval, force est de constater que :
– la demande de Mme X… au titre des heures supplémentaires a été rejetée en cause d’appel de sorte que l’appel en garantie de M. Z… et de Mme Y… est devenue sans objet,
– la demande relative à la clause de non concurrence a été modifiée en cause d’appel, la salariée réclamant des dommages et intérêts au titre de la clause illicite et non plus une indemnité au titre de la contrepartie financière de la clause.
Compte tenu de l’évolution du litige et en l’absence d’une demande en garantie présentée par Me B… mandataire liquidateur de la société Axeo Laval devenue Adomeo Laval, le jugement doit être infirmé de ce chef.
Sur les limites de la garantie de l’AGS,
L’AGS CGEA dispose d’un droit propre à contester le principe et l’étendue de sa garantie déterminés par les dispositions de l’article L 3253-8 du code du travail.
L’AGS CGEA considère à juste titre que sa garantie n’est pas acquise pour les dommages et intérêts alloués en réparation de la clause de non concurrence illicite, cette créance ne résultant pas de l’exécution du contrat de travail mais d’une action en responsabilité contre l’employeur qui ne peut pas être couverte par l’assurance de garantie des salaires.
Il s’ensuit que les dommages et intérêts alloués à Mme X… au titre de la clause de non concurrence illicite ne sont pas garantis par l’assurance de garantie des salaires, par voie d’infirmation du jugement.
Sur l’indemnité de procédure,
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme X… les frais non compris dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 600 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant, publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière sociale et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a :
– condamné la société Axeo Laval devenue Adomeo Laval à payer à Mme X… :
– la somme de 2 502, 60 ¿ nets au titre de l’indemnité financière liée à la clause de non concurrence,
– la somme de 11 890, 98 ¿ au titre des heures supplémentaires et 1 189, 89 ¿ pour les congés payés y afférents, durant la période 2007-2010,
– condamné M. Z… et Mme Y… à garantir la société Axeo Laval devenue Adomeo Laval à hauteur de la somme globale de 8 483, 34 ¿, au titre des heures supplémentaires dues avant le 30 septembre 2009,
– dit que le CGEA de l’AGS de Rennes devra garantir la société Axeo Laval devenue Adomeo Laval à hauteur de la somme globale de 4 605, 31 ¿, au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence,
– condamné la société Axeo Laval devenue Adomeo Laval à rectifier l’attestation Pôle Emploi dans le délai d’un mois à compter du prononcé de la présente décision, et ce sous astreinte de 50 ¿ par jour de retard,
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
DÉCLARE nulle la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail de Mme X….
FIXE au passif de la société Axeo Laval devenue Adomeo Laval les créances suivantes de Mme X… :
– la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice au titre de la clause de non concurrence illicite,
– la somme de 600 euros en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
CONFIRME le surplus des dispositions du jugement.
DIT que les dommages et intérêts alloués à Mme X… au titre de la clause de non concurrence illicite ne sont pas garantis par l’assurance de garantie des salaires.
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes.
DÉCLARE le présent arrêt opposable à l’AGS intervenant par l’UNEDIC CGEA de Rennes laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à la salariée que dans les limites et plafonds définis par les articles L 3253-8, L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.
CONDAMNE Me B… es qualité de mandataire liquidateur de la société Axeo Laval devenue Adomeo Laval aux dépens d’appel.